Exposition Yin Xin à la galerie Orbis Pictus, photo : Axel G.

Depuis la Chine lointaine où il est né, au fin fond du désert de Gobi –qui est aussi la terre des Ouïghours- jusqu’aux plus importantes galeries d’art parisiennes et le Marais, la trajectoire du peintre Yin Xin est unique, exceptionnelle, sans équivalent.

Exposée, ces jours-ci à la galerie Orbis Pictus, à cinq mètres du musée Picasso, son œuvre se regarde à la fois comme un imagier de la Chine traditionnelle et comme un clin d’œil aux « grands anciens » de la peinture européenne, à commencer par les maîtres du clair-obscur George de la Tour (1593-1652) et Le Caravage (1571-1610) qu’il admire.

© Yin Xin, Smoking opium in the dark, 2009 Acrylique sur toile / 130 x 97 cm

Enfant, Yin Xin commence à peindre en reproduisant des images de propagande communiste pendant la révolution culturelle. « A l’époque, je ne saisissais pas pleinement la notion de lutte des classes évoquée dans les images que je copiais », dit l’artiste au look de dandy parisien. « Mais j’étais conquis par les couleurs et le travail du pinceau ; ainsi a commencé ma vie de peintre, sans que je sache où elle me mènerait », ajoute l’artiste tiré à quatre épingles.

Après des études de beaux-arts, en Chine puis à Melbourne (Australie), il débarque à Paris au début des années 1990 où il connaît une renaissance artistique. Celle-ci le pousse vers l’art chrétien, le classicisme européen empreint de nostalgie et les tableaux hommage exécutés « à la manière de ».

Au Victor and Albert Museum, à Londres, son exposition « Botticelli reminagined » revisite l’œuvre de ce génie de la Renaissance en sinisant les visages des œuvres du maître italien. A la galerie Orbis Pictus, on retrouve ce procédé dans Le Fifre (1866) d’Édouard Manet ou dans Américain Gothic (1930) de Grant Wood, tous deux sinisés pas Yin Xin.

© Yin Xin, D’après Whistler, La mère de l’artiste (1871), 2016 Acrylique sur toile / 120 x 120 cm

L’artiste expose aussi au Staatliche Museen de Berlin et, chose extraordinaire, à Notre-Dame-de-Paris. La hiérarchie catholique lui commande un tableau à la mémoire de saint Paul Chen. Avec deux autres œuvres de Yin Xin, la toile est bénite le 27 mai 2018 lors d’une procession religieuse.

Accrochés dans une chapelle située à l’entrée de la cathédrale, sur la gauche, les trois tableaux sont miraculeusement épargnés par l’incendie d’avril 2019, puis stockées au Louvre. Ce qui fait de Yin Xin le seul artiste vivant à pouvoir dire que son travail se trouve au Louvre après l’avoir été à Notre-Dame !

Avec l’accrochage « Et après ? », le galeriste Sitor Senghor nous fait découvrir la trajectoire extravagante du plus parisien des artistes chinois qui a trouvé l’équilibre parfait dans le classicisme de la capitale française. Et qui cultive néanmoins l’art troublant de l’ambiguïté. Car, ami du clair-obscur, Yin Xin brouille subtilement nos repères historiques et la notion de temps pour mieux dialoguer avec l’universel.

Jusqu’au 25 février

« Et après ? », Yin Xin
Galerie Orbis Pictus (anciennement galerie Thessa Herold)

7, rue de Thorigny 75003 Paris, France
Du mardi au samedi de 11h à 19h
Fermé le lundi et le dimanche

© Yin Xin, Smoking, 2016, Acrylique sur toile / 68 x 135 cm

Texte : Axel G.

25.01.23