L’enclos du temple de paris en 1450, ©Temple de paris
Le 18 mars 1314, le Grand-Maître de l’Ordre du Temple, Jacques de Molay, est brûlé vif. Sa mort clôt un procès qui aura duré sept ans et met un terme définitif à la présence templière à Paris.
Le roi Philippe-le-Bel savoure sa victoire. En éliminant les Templiers, il supprime du même coup un ordre de chevalerie qui, ne dépendant que de Rome, échappait jusque-là à son autorité. En outre, le souverain espère faire d’une pierre deux coups en mettant la main sur le « Trésor » des Templiers. Il faut dire que l’Ordre est riche : il a amassé, en deux siècles de présence en France, une immense fortune qui suscite bien des convoitises.
Tout commence au début du XIIe siècle, dans le Marais, par l’installation d’une première maison templière à hauteur de l’actuelle rue Lobau, puis, plus tard et plus au nord, d’une seconde, qui va prendre une importance considérable et dont le Haut-Marais garde le souvenir, à travers notamment sa rue ou son square « du Temple ».
Square du Temple, ©Anaïs Costet
Depuis la fin du XIIIe siècle en effet les Templiers, chassés d’Orient, sont rentrés définitivement en Europe. A Paris, leur « maison » forme désormais un enclos d’environ 6 ha, protégé par une haute muraille et qui abrite, outre l’église, différents bâtiments monastiques, un donjon, des habitations de particuliers, et… des boutiques !
C’est là une des particularités de l’Ordre, qui explique en partie sa richesse : le Temple accueille en ses murs qui bon lui semble (il exerce son « droit d’asile ») ; en outre, il applique un « droit de franchise » pour tous ceux qui y exercent leur activité.
Se soustrayant à la fois aux rigidités des « corporations » et aux nombreuses taxes parisiennes, les artisans (tapissiers, ébénistes, perruquiers, parfumeurs, graveurs, bijoutiers…) sont donc nombreux à venir s’installer « au Temple » et, de fait, à en assurer la renommée et la prospérité.
Celles-ci aiguisent les appétits, celui du roi en particulier ; en janvier 1307, Philippe-le-Bel décide finalement de faire arrêter les Templiers partout dans le royaume. S’ensuivent l’instruction, les procès, les condamnations pour « pratiques contre nature » et « hérésie » et, finalement, la dissolution de l’Ordre.
Toutefois, contrairement aux espérances du roi, la fortune des Templiers ne tombe pas dans les caisses de la Couronne mais dans celles des Hospitaliers (le futur « ordre de Malte »), une autre compagnie de « moines-soldats » qui prend alors possession de la « maison du Temple » et va y demeurer jusqu’à la Révolution.
Quartier du Temple, en 1734, Plan Turgot, 1882
Au fil du temps, des bâtiments médiévaux disparaissent, d’autres constructions plus élégantes voient le jour (comme le palais du Grand-Prieur ou, à l’est, la « Rotonde », proposant boutiques et logements). Au XVIIIe siècle, dans les ors et les lambris des appartements et des hôtels particuliers, on donne là des fêtes somptueuses, on tient salon, on écoute les « philosophes », on assiste à des concerts… C’est l’époque « élégante » du « Temple », devenu carrefour des Lumières à Paris.
Tout cela s’interrompt en 1789. Comme ailleurs, les religieux sont expulsés et « l’enclos » devient « bien national » ; il sera vendu en lots par la suite à des particuliers. Certains édifices sont détruits (comme l’église), d’autres retrouvent des affectations diverses (ministères, fabriques, commerces…).
Un bâtiment toutefois connaît un sort particulier : en 1792, Louis XVI, Marie-Antoinette et leur fils sont incarcérés dans l’ancien donjon (situé à l’emplacement de l’actuelle rue Spuller). La « Tour du Temple » devient prison de haute sécurité jusqu’à la mort du roi en 1793. A cette date, la reine est transférée à la Conciergerie. Seul le dauphin reste au Temple ; il y mourra en 1795.
Le Donjon et la Rotonde du Temple, John Claude Nattes, 1808
Après la Révolution, la « Tour » embarrasse ; devenu lieu de pèlerinage royaliste, le donjon de sinistre mémoire est finalement rasé en 1811 sur ordre de Napoléon 1er. Au milieu du siècle, son neveu, Napoléon III, fera, lui, aménager le square que nous connaissons, puis créera la mairie d’arrondissement en 1861 et, enfin, après 1863, sur l’emplacement de l’ancienne rotonde détruite cette année-là, des « marchés-couverts » en fer et en verre, comparables aux Halles de Baltard dans le 1er arrondissement. Sur les six pavillons construits, deux sont encore en place et forment le « Carreau du Temple », sous lequel subsistent encore aujourd’hui quelques témoignages de l’église médiévale et un peu de la mémoire des frères-templiers…