Des restaurants. Des marchands (de fruits et légumes, de fromages, de poissons, de fleurs…). Et un magasin de photos. Le tout adossé à Comme un roman, l’une des plus belles librairies parisiennes, sur la rue de Bretagne. Bref, des nourritures pour le corps et pour l’esprit. Autrement dit : un parfait résumé du Marais.
Ainsi se présente, le Marché des enfants Rouges, unique en son genre dans la capitale parce qu’il est le seul à proposer une offre de restauration aussi variée et qualitative.
©Le Marais Mood
Et dire ce qui est le plus ancien marché couvert de Paris a failli se transformer en parking… C’était du temps où Jacques Chirac officiait à la mairie de Paris. Après sa fermeture en 1994, la municipalité entend réaliser une juteuse opération immobilière pour y garer des voitures sur plusieurs étages ! Un deuxième « assassinat de Paris » (*) en somme, après celui, en 1971, des pavillons Baltard aux Halles, sous la présidence Pompidou.
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Heureusement, après une campagne menée par le réalisateur Bernard Tavernier et des maraisiens raisonnables, il rouvre en novembre 2000, près de quatre cents ans après sa création. Construit en 1615 à la demande de Louis XIII, le marché sert alors à approvisionner le Marais et l’aristocratique place Royale, l’actuelle place des Vosges.
Voilà 250 ans, on baptise cette halle en bois, équipée d’un puits et d’une étable « marché des enfants rouges ». Une référence à l’orphelinat que la sœur de François Ier avait ouvert, non loin de là, en 1534, et dont les pensionnaires étaient vêtus de rouge.
Entrée du Marché des Enfants-Rouges, en 1907, Houbron
Intérieur du Marché des Enfants-Rouges, en 1907, Houbron
Le marché est aujourd’hui un incontournable du Marais, au même titre que le musée Picasso ou la Place des Vosges. Un « must see » pour les touristes qui apprécient d’y côtoyer des habitants du quartier venus s’approvisionner en fromages, fruits et légumes, viandes, poissons et fleurs dans un harmonieux melting-pot.
Côté restauration, il y a l’embarras du choix : cuisine française ou d’ailleurs, l’offre est large. Chez Taeko, les délicieux bentos nous transportent à Tokyo. Juste à côté, l’afro-antillais Corossol propose d’excellents accras, des bokits ou encore des yassas poulets. Au Burger fermier, même les Américains reconnaissent que de ce côté-ci de l’Atlantique, on sait faire ! Juste en face, voici Alain Miam-Miam et ses légendaires sandwiches pantagruéliques.
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Plus loin encore, le Traiteur marocain – une affaire familiale tenue par des gens d’Agadir – fait les bons comptes des plus jeunes : à dix euros le tagine de poulet et 13 le couscous royal, on mange pas cher, bon et équilibré. Et chez Bio Wagner, le long d’une des deux entrées à droite, tout est « organic ». Il y a aussi un Italien, de bonne réputation, un Libanais et une poignée d’autres adresses, françaises.
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Aux Enfants du Marché, Mika, arrivé voilà six ans, a installé la réputation de son comptoir gastronomique où l’on mange pour 30 ou 60 euros, ou davantage, selon les vins (bio ou nature). Ce parigot né dans le quartier de halles résume ainsi son ambition : « Perpétuer la tradition du marché comme elle existait autrefois dans aux halles de Paris [avant leur transfert à Rungis]. »
Juste à côté et dans la même gamme de prix, The Butcher of Paris – qui fête ses deux ans – ressuscite la tradition des « joyeux bouchers de la Villette » chère à Boris Vian. Ici, on peut acheter sa viande et l’emporter chez soi ou la consommer sur place.
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Ici on prépare et on cuit la viande sur place. Et les clients mangent sur des billots qui font office de table. La barbaque arrive directement de producteurs français, tout comme les vins, choisis par le patron. Bref, ça sent bon le terroir. A une table, Matt, un habitué américain qui vit à Paris et bosse dans la finance n’en revient pas de tant de génie tricolore : « La France, c’est formidable. Le marché des Enfants Rouges, c’est exceptionnel. Je traverse régulièrement la Seine depuis le 7e arrondissement pour venir jusqu’ici. C’est génial ! »
Moins géniaux sont toutefois les W.-C. du marché, loin d’être impeccables. Ni la mairie ni les commerçants du marché ne jugent utile de les hisser au niveau de l’offre commerciale par ailleurs sans défaut, ou presque. Étrange…
(*) L’expression est de l’historien français Louis Chevalier (1911-2001), auteur de L’Assassinat de Paris (Editions Ivrea) qui compare la disparition du marché des halles à un homicide sur la capitale.
▼ Le Marché des enfants rouges
39 rue de Bretagne, 75003 Paris
Du mardi au samedi de 8h à 20h30
Le dimanche de 8h30 à 17h
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Texte : Axel G
07.05.24