Quand nous pensons à Katia, nous pensons immédiatement à tous les autres petits commerçants du Marais et d’ailleurs.
Connaissez-vous Katia Bielli, la créatrice de Senteurs de Fée ? Cette marque de cosmétiques créée par cette ex-comédienne devenue naturopathe a vu le jour dans le Marais en 1993. Au Marais Mood nous avons connu Katia en 2019, une formidable boute-en-train pleine de cette intelligence émotionnelle qui illumine les rapports entre les êtres.
Depuis, nous passions régulièrement la voir, dans sa boutique rue des Haudriettes, pour papoter ou acheter une de ses huiles aux formules riches, odorantes et bourrés d’actifs puissants. Des produits haut-de-gamme à prix abordable.
Katia avait des fidèles, dont beaucoup de comédiennes, de chanteuses, de maquilleuses. Bref, un public de pro exigeant qui sait reconnaître le meilleur et aussi des consommateurs éclairés de cosmétiques. Ses produits, on les essayait une fois et… l’on devenait « addict ».
Beaucoup passaient d’un pas pressé devant sa boutique et – comme il arrive souvent dans cette ville où le temps nous manque – ne la voyait pas. Ils ne savaient pas ce qu’ils manquaient.
Malgré sa bonne humeur apparente, il y avait des moments où je sentais pointer des difficultés – de celles que connaissent beaucoup de commerçants et petits entrepreneurs qui attendent les clients qu’ils méritent et qui pourtant… ne viennent pas.
Pourquoi ? Parce que ces clients potentiels, vous, nous ne prenons pas, ne prenons plus, le temps d’écouter, de regarder, d’essayer, de nous laisser surprendre, de donner sa chance à quelque chose de nouveau qui n’existe pas sur les réseaux sociaux, dans les médias.
Katia faisait des produits terriblement efficaces, voire miraculeux comme son huile à la rose qui sublime la peau, dégomme les boutons d’acné et dont les effluves magiques réveillent les petits matins. Elle n’avait pas d’attachée de presse, ne savait pas jouer avec les « SEO » (Search Engine Optimization) pour attirer, le jour même, une file de clientes devant son magasin, soudainement avides de découvrir ses huiles, ses crèmes aux pouvoirs magiques.
Katia ne savait pas vraiment utiliser Instagram. Son Instagram à elle, c’était son sourire, sa bonté, sa sagesse, son exigence, sa créativité et sa simplicité dans l’art du contact humain. Katia, c’était la bonté infinie. Dans le fond, elle savait ce qu’il fallait faire (Instagram, de la publicité et tout le tralala) mais elle n’en avait ni moyens économiques ni les moyens humains. Katia était dans l’urgence.
C’était toujours la course pour retravailler ses produits époustouflants, faire son chiffre d’affaires et engranger au moins de quoi payer ses matières premières et son loyer. Tous les jours, elle quittait sa boutique à 19 heures pile pour courir au chevet de sa mère atteinte d’Alzheimer.
Le 2 novembre, de battre le cœur de Katia s’est arrêté. Et, il faut le redire, le cœur de Katia, était gros comme ça. Foudroyée en pleine rue, elle n’a pu être réanimée.
Quand nous pensons à Katia, nous pensons à tous les petits commerçants du Marais et d’ailleurs. Je pense à notre responsabilité, à vous, à nous quand nous préférons aller chercher sur Amazon un cadeau, un livre, un parfum, venu de l’autre bout du monde plutôt que de découvrir ce qui se trouve tout près de chez nous, au coin de la rue, dans notre quartier, là où nous vivons, là où nous travaillons.
Nous nous souvenons qu’en 2020, lorsque nous étions enfermés chez nous pendant le Covid-19, nous nous étions collectivement promis qu’au retour à la normale, nous consommerions mieux, local, et que après la pandémie nous soutiendrions les petits commerces.
Nous pensons à notre responsabilité, à vous, à nous, lorsque nous enrichissons des sociétés qui n’ont pas besoin de nous et qui sont parfois – mais pas toujours – un brin moins cher que les commerçants du tissu économique de notre propre quartier.
Puisse l’année 2025 nous donner l’occasion de prendre le temps d’apprécier ce et ceux qui nous entourent et donner aux commerçants de proximité l’attention qu’ils méritent. Et ainsi réparer, un peu, l’injustice faite à Katia et à ses senteurs de fée.
Il est question qu’Hugues, l’associé de Katia, reprenne la suite, mais rien n’est certain. Si vous passez devant Senteurs de fée ne soyez pas timides… entrez !
Katia Bielli peu après l’ouverture de son magasin de cosmétiques rue des Haudriettes
Texte : Katia Barillot
29.11.24