De l’humoriste Pierre Dac, on connaît surtout ses aphorismes :
– « Les prévisions sont difficiles, surtout lorsqu’elles concernent l’avenir »
– Et aussi : « Donner avec ostentation, ce n’est pas très joli ; mais ne rien donner avec discrétion, cela ne vaut guère mieux. »
– Ou encore : « Quand celui qui rit le dernier a fini de rire, personne ne rigole plus. »
Mais au-delà de centaines de formules cinglantes, ce génie de l’absurde disparu en 1975 a laissé une empreinte si forte dans la culture française que le Musée d’art et d’histoire du judaïsme (MahJ) a choisi de lui consacrer une exposition entière. Heureuse initiative qui prend la forme d’un hommage personnel et d’une radioscopie du rire au XXe siècle, selon Dac.
Du début des années 1920 au milieu des années 1970, Pierre Dac a laissé un arsenal humoristique d’un genre nouveau sans lequel Jean Yanne, Coluche, Pierre Desproges, les Guignols et beaucoup d’autres n’auraient sans doute jamais existé. De lui-même, il explique : « Etant donné mes origines juives, je ne comprends pas que ma ville natale de Chalons-sur-Marne n’ait pas été rebaptisée Chalom-sur-Marne. »
Né dans une famille juive d’origine alsacienne profondément patriote, Pierre Dac est mobilisé dès le début de la Première Guerre mondiale, où il est gravement blessé. Dans l’immédiat après-guerre, il fait plusieurs métiers où il brille, mais par son absence… Après avoir été par exemple chauffeur de taxi (un mois), il devient chansonnier dans les cabarets de Montmartre. Ses aphorismes, saynètes et revues amusent bientôt la France entière.
Fondateur de la Société des loufoques dont il se proclame le roi, il invente les nouvelles formes de la radio et crée La Course au trésor, un jeu qui incite les auditeurs à participer à une chasse hilarante aux objets les plus insolites et délirants.
Brassaï, Pierre Dac devant son micro, Paris, 1935 ; collection particulière © Estate Brassaï – RMN-Grand Palais – Photo ©RMN-Grand Palais / Jean-Gilles Berizzi
Patriote et humaniste, il soutient dès 1928 la Ligue internationale contre l’antisémitisme, qui préfigure la LICRA. Fondateur et rédacteur en chef de l’hebdomadaire L’Os à moelle, il critique la montée des fascismes puis rejoint la France libre à Londres. Au micro de l’émission « Les Français parlent aux Français », il pourfend le régime de Vichy et l’occupant nazi. Après la guerre, il dira : « L’âme des justes qui ont péri dans les fours crématoires est immortelle. La preuve, dans le ciel, j’ai vu briller des étoiles jaunes. »
Au début des années 1950, Dac forme un duo avec Francis Blanche avec qui il crée le « Parti d’en rire », une parodie de parti politique, et des feuilletons radiophoniques aux audiences record. Dans les années 1960, il tourne en dérision le cynisme et la médiocrité des hommes politiques de la V° République. En 1965, il est même candidat à l’élection présidentielle, à la tête du Mouvement ondulatoire unifié (M.O.U.).
accoudé à un camion militaire, Est de la France, hiver 1944-1945, Archives Jacques Pessis
Dans la présentation de l’exposition, le MahJ rappelle que Pierre Dac consacre ses dernières années à la rédaction de ses Pensées : « Il laisse une œuvre considérable – plus de 900 chansons, douze romans et essais, cinq feuilletons radiophoniques, plusieurs pièces de théâtre, et un nombre incalculable d’articles, dans un style redevable tant à l’argot des bouchers (son père était boucher) qu’au mot d’esprit freudien et au nonsense de l’humour juif. A plus d’un titre, Pierre Dac mérite aujourd’hui d’être considéré comme un maître de l’absurde, au même titre que Samuel Beckett ou Eugène lonesco. »
Du 20 avril au 27 août
▼ Exposition Pierre Dac, le Parti d’en rire
Musée d’art et d’histoire du judaïsme (MahJ)
71, rue du Temple, 75003 Paris
Le mardi, le jeudi et le vendredi de 11h à 18h
Le mercredi de 11h à 21h
Le samedi et le dimanche de 10h à 19h
Fermé le lundi
Tél : 01 53 01 86 53
Pierre Dac dans la Revue des loufoques au cabaret La Lune rousse Paris, studio Kehren, 1936 Archives Jacques Pessis
Texte : Katia Barillot
28.04.23