Lampions pour célébrer le nouvel an Chinois 2023 rue Volta 3e (g.), façade du restaurant Mao Dumpling bar (dr.)
Longtemps repliée sur elle-même, la communauté chinoise du Marais – implantée dans le quartier Arts-et-Métiers depuis 1900 – change. Peu à peu, des entrepreneurs trentenaires succèdent à leurs parents et l’on assiste à un changement générationnel et culturel spectaculaire.
Alors que les générations précédentes étaient centrées sur les métiers de la maroquinerie, de la restauration et des traiteurs traditionnels, la génération montante ouvre des restaurants dans l’air du temps : Horiz (rue au Maire), Mao dumpling bar (rue Saintonge) et Sweetea’s (rue de Gravilliers).
Et alors que leurs parents s’exprimaient peu, leurs enfants, qui ont grandi dans le Marais de plus en plus « trendy », n’hésitent plus à faire entendre leur voix.
Le changement est profond. « Nos parents ne prenaient jamais de vacances et ils ont été choqués lorsque je leur ai annoncé que je prenais quatre de jours de repos, deux mois seulement après avoir lancé mon restaurant », témoigne Alexandre Lin qui a repris l’affaire de ses parents, changé la déco et transformé le menu pour faire de Horiz une adresse branchée qui ne désemplit pas.
« Les anciennes générations passaient leur vie à travailler. Ils nous ont transmis le goût de l’effort mais cela ne nous empêche pas de vouloir profiter de la vie », ajoute le jeune restaurateur qui appartient à une génération audacieuse : « Lorsque j’ai annoncé à mes parents que je voulais, avec mon frère Olivier, transformer le restaurant familial, le « dépoussiérer » pour faire quelque chose de plus actuel, mes parents étaient inquiets, ils avaient peur que j’échoue. »
Alexandre et Olivier de chez Horiz, © Vincent Tchou
Un autre restaurateur nouvellement installé abonde : « Nos parents étaient très discrets et un peu isolés mais notre génération est différente. Nous avons conscience que le Marais s’est profondément transformé et nous voulons participer à ce changement, tout en conservant l’identité chinoise des trois rues historiques du premier « Chinatown » parisien. Nous voulons rendre le quartier chinois plus attrayant pour tout le monde. »
Le chemin parcouru se mesure aussi au témoignage de cette sexagénaire du Marais, notable de la communauté chinoise qui – discrétion oblige – veut rester anonyme : « Je me souviens qu’il y a trente ans, les élus du quartier alertaient les commerçants chinois car les enseignants des écoles primaires avaient remarqué que leurs enfants arrivaient fatigués en classe. La raison ? La plupart des enfants de la communauté travaillaient dans les entreprises familiales. »
Trente ans après, force est de constater que ces enfants, soutenus par leurs parents, leurs familles au sens large (cousins, oncles et tantes) et la communauté tout entière, se débrouillent plutôt bien.
Texte : Katia Barillot
31.01.23