Il aura fallu attendra quarante ans. Le 9 août dernier, un hommage national a été rendu pour la première fois aux victimes de l’attentat de la rue des Rosiers, qui avait fait six morts et vingt-deux blessés, le 9 août 1982.
Ce jour-là, à 13 h 15, deux groupes d’hommes armés arrivés séparément déboulent devant le restaurant ashkénaze Jo Goldenberg. Immédiatement, ils visent les clients et le personnel de ce célèbre établissement du quartier juif du Marais, dans le 4e arrondissement de Paris. Les terroristes, qui attaquent d’abord à la grenade, puis à la mitraillette, sont des membres présumés du Fatah-Conseil révolutionnaire (Fatah-CR), un groupuscule radical dissident palestinien, à l’époque basé en Irak et dirigé par le terroriste Abou Nidal.
L’établissement a déposé le bilan en 2006 puis, après une brève réouverture suivie d’un douloureux déclin, a de nouveau fermé ses portes en 2010. Son emblématique patron, Jo Goldenberg, lui, est mort à 91 ans, en 2014. Véritable institution du quartier, l’adresse a été remplacée par un magasin de prêt-à-porter. Un temps, la plaque commémorative de l’attentat avait même disparu.
Quatre décennies plus tard, au croisement de la rue des Rosiers et de la rue Ferdinand-Duval, s’est tenue une cérémonie commémorant l’attaque antisémite la plus grave en France depuis la seconde guerre mondiale, qui était intervenue deux ans après l’attentat contre la synagogue de la rue Copernic (16e arrondissement de Paris). Étaient présents : les ambassadeurs d’Israël, des Etats-Unis et de Norvège, un adjoint de la maire de Paris, Anne Hidalgo, une représentante du maire de Paris-Centre, Ariel Weil, de la députée de Paris Clara Chassaniol (Renaissance), le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) Yonathan Arfi.
« Le garde des sceaux Éric Dupond-Moretti, a pris la parole en dernier pour assurer les victimes et leurs proches de la solidarité de l’Etat », rapporte Le Monde. Le ministre de la Justice a insisté sur l’engagement de la France à combattre l’antisémitisme. « Quarante ans plus tard, un triste constat s’impose : l’antisémitisme, cette bête immonde, n’est pas mort ; elle rampe, plus ou moins masquée. »
Dans son édition du 10 août, Le Monde écrit aussi : « Avant le ministre de la justice, deux victimes de l’attentat se sont exprimées. Manifestement très émue et fatiguée, Jacqueline Niego, 83 ans, qui a perdu son frère aîné, André, dans l’attaque, n’a pas pu terminer la lecture du texte qu’elle avait préparé. Elle a eu le temps de rappeler qu’il avait échappé à la barbarie nazie en se cachant avec sa sœur. Puis elle a insisté : « Pour nous, les familles, les mêmes questions demeurent depuis quarante ans. Pourquoi cet acte antisémite ? Quels sont les véritables commanditaires ? Comment ils [les terroristes] ont pu franchir nos frontières aussi facilement ? Autant de questions sans réelles réponses. » Elle s’est félicitée de l’extradition, par la Norvège, d’un suspect, en décembre 2020. » Il est le seul en détention provisoire en France, à ce jour.
Texte : Katia Barillot
03.09.22