Les restaurateurs de la place du marché Sainte-Catherine ont le blues. Pour la première fois cette année, il n’y aura pas de musique sur ce qui est l’une des plus anciennes – et l’une des plus charmantes – places de Paris. « Nous, les restaurateurs de la place, sommes écœurés, dit Rémy Guilbert, président de la place Sainte-Catherine. Visiblement, nous sommes devenus les boucs émissaires de la mairie, qui nous a pris en grippe. »
Derrière l’apparente sérénité de cette « place de village », le torchon brûle entre certains riverains, qui se plaignent du bruit, et les six restaurants de la place pavée, qui s’efforcent de mener leurs affaires dans le respect des règles.
« Nous sommes les premiers conscients du caractère de cette place, qu’il convient de préserver, mais les contrôles tatillons que nous subissons, parfois tous les jours, confinent au harcèlement, affirme un restaurateur. La police est appelée à tout propos. Récemment, un établissement a écopé de 130 euros d’amende parce que son tableau de menu dépassait d’un mètre la limite de sa terrasse ! C’est bien le signe d’une hostilité à notre égard. »
Un autre professionnel abonde : « Bien sûr que tout le monde est d’accord pour remettre de l’ordre dans le cœur historique de Paris. Et d’ailleurs nous l’avons fait : le dernier établissement ferme à minuit et demi maximum, même en été ; nous sommes raisonnables et notre clientèle, très tranquille. Nous payons les abus du restaurant Joséphine qui faisait du vacarme, mais il a fermé voilà des mois », dit un autre professionnel qui, comme les autres, a l’impression de faire l’objet d’une punition collective. « Depuis, tout le monde redouble d’attention et veille à ne pas perturber le voisinage. »
Quelques voisins demeurent franchement hostiles, expliquent les restaurateurs : « Certains nous prennent en photos, se plaignent auprès de la mairie. Et, ça marche : ils ont l’oreille de la municipalité. C’est quand même dingue ! Ces gens emménagent sur une place qui a toujours été un lieu commercial et, ensuite, ils se plaignent de l’activité. Le fait que, pour la première fois, il nous a été interdit de faire venir un groupe pour la Fête de la musique en dit long. Ce n’est pas tellement que la Fête de la musique soit réellement bonne pour notre chiffre d’affaires mais cela montre de manière symbolique que nous faisons l’objet d’un traitement à part. » Et il conclut, dépité : « Face à un tel ostracisme, nous sommes sans voix. » Et sans musique.
Texte : Katia Barillot
21.06.22