Le marché des Enfants Rouges, en plein cœur du Haut-Marais, est un des « spots » du quartier, connu autant des habitants que des touristes. Tous s’y pressent, du mardi au dimanche, pour y faire quelques « courses » et pour s’y restaurer – tendance « street food » et « cuisine du monde » réunies. Mais qui connait l’origine de ce nom étrange, les Enfants-Rouges ?
Tout commence au XVIe siècle, à la Renaissance. A cette époque, le quartier n’est pas encore loti. Les rues qui se coupent à angle droit, les hôtels particuliers que nous voyons encore aujourd’hui n’existent pas.
A la place, quelques maisons, des jardins et des lopins de terre cultivée sont enclavés au Nord-Est de la capitale, « coincés » entre la muraille qui défend la ville et celle qui enserre l’enclos du Temple. C’est dans cette zone « délaissée » qu’en 1534 le roi François Ier et sa sœur Marguerite de Navarre ordonnent la fondation d’un hospice destiné à recueillir les enfants pauvres et les orphelins des alentours.
Cette œuvre pieuse est confiée à des religieux qui prennent en charge ceux qu’on appelle d’abord les « Enfants-Dieu », puis rapidement les « Enfants-Rouges » car on les affuble, dès leur arrivée, d’une blouse rouge, facilement identifiable (le rouge étant alors associé à la charité). L’hôpital en lui-même occupe une sorte de quadrilatère borné grosso-modo par les actuelles rues de Beauce, Portefoin, des Archives et de Bretagne.
Au fil du temps hélas, l’hospice périclite. Le manque d’argent, la transformation du quartier au XVIIe siècle et la « pression immobilière » (déjà !) entraînent la chute de l’institution. Au XVIIIe siècle les bâtiments, dans leur grande majorité, sont vendus et pour certains démolis.
L’angle de la rue Portefoin (à gauche) et de la rue des Archives, vue en direction du square du Temple, en 1916
L’église et quelques annexes, occupées par une petite congrégation religieuse, demeurent en place jusqu’à la Révolution. Au siècle suivant, la prolongation de la rue des Archives entre la rue Portefoin et la rue de Bretagne précipite la destruction des derniers bâtiments.
Quelques rares vestiges subsistent toutefois de l’église et de ses annexes, visibles aujourd’hui à l’angle Archives – Portefoin et dans la cour de l’immeuble situé au 90 de la rue des Archives (propriété privée).
Le marché quant à lui, bâti entre les rues de Beauce et Charlot, tire évidemment son nom, par extension, de la proximité immédiate de l’hospice.
Ce marché est inauguré en 1615, période pendant laquelle le quartier connaît de profondes mutations (voir notre article « La Place Fantôme ») : nouvelles constructions, augmentation de la population, « aristocratisation » du Haut-Marais.
D’abord bâtie en bois, une première halle permet l’approvisionnement des habitants en viandes et denrées diverses. Reconstruit plusieurs fois ensuite « en dur » par ses propriétaires privés successifs, le marché est aussi agrandi et complété de boutiques et commerces de toutes sortes.
La ville de Paris, finalement, en devient propriétaire, un peu avant la 1ère guerre mondiale. Les années passant, le sort du marché devient incertain. Menacé un temps de destruction, il est finalement conservé (et même entièrement rénové en 2000), perpétuant ainsi, pour l’avenir, le souvenir des « Enfants-Dieu » du Marais.